Colloque « Sciences de l'imaginaire »

Les littératures de l’imaginaire ont su depuis les années 1980 se multiplier sur divers formats et supports (Besson, 2015). La popularisation du numérique et la facilité d’accès de nombre d’outils de création ont permis aux lecteur.rice.s, joueurs.euse.s, et spectateur.rice.s de participer à l’établissement d’univers étendus (Wuyckens, 2016) dépassant les créations originales. Ces ajouts ne seraient pas possibles sans l’intervention de communautés de créateur.rice.s reliés par des intérêts communs (Jenkins, 2006). Ces individus sont tout autant des artistes confirmés, rémunérés pour ce travail, que des amateurs, plus ou moins experts dans leur domaine et dans l’œuvre à laquelle iels participent. Comment toutes ces productions s’articulent-elles pour former un univers cohérent ? Quels outils et méthodes pouvons-nous mobiliser pour les comprendre ?

La diversité des propositions narratives, de la fanfiction textuelle aux fan games, en passant par des vidéos, reprises sonores, œuvres graphiques, etc., pose la question d’une multimodalité nécessaire à la compréhension d’une fiction. La diversité des supports mobilisés par les univers étendus (romans, films, séries, jeux vidéo, jeux de rôles, fanfictions, visual novels, séries audio parodiques ou non, pièces de théâtre…) permet d’appuyer notre étude sur un vaste corpus que nous pourrons étudier quantitativement autant que qualitativement.

L’intime imbrication du métatexte fictionnel (Langlet, 2006) et des technologies (Ensslin, 2014) mène à des habitudes construites sur des dictionnaires de gestes consistants (Masure 2017, Lescouet 2022). Ainsi, l’habitude de rédaction des fanfictions (Barnabé 2014, Lata 2016) sur des plateformes dédiées, qu’il s’agisse de blogues, de Wattpad ou encore fanfiction.net, pousse les communautés à se regrouper dans des lieux distincts. Le but de cette recherche est d’interroger les adaptations formelles qui sont faites au sein des univers pour prendre en compte les particularités des différents supports, mais aussi de comprendre comment ces changements de plateforme nourrissent le world building (Saint-Gelais 1999; Brean 2012) en l’étendant. Nous interrogerons enfin leur impact sur l’immersion : la diversité des supports et donc des expériences possibles au sein d’un même univers construit renforce-t-elle sa crédibilité ? Ou au contraire, cette extension dissout-elle le focus et donc la suspension d’incrédulité demandée ?

Pour cette étude, nous commencerons par exposer notre corpus d’exemple, ici les productions en lien avec l’univers de Star Wars, sous forme de base de données ouverte et sémantisée à l’aide d’OmekaS, balisée avec un thésaurus collaboratif (Lescouet, 2022). Puis nous en présenterons les tendances grâce à des visualisations statistiques (réalisé depuis l’API de la base de données à l’aide de Python). Le compte rendu de cette expérience d’application des méthodologies de documentation issues des humanités numériques à un corpus contemporain nous permettra d’aborder une première proposition méthodologique transposable à d’autres projets.

Enfin, nous en tirerons les analyses quant aux liens entretenus entre les différents médias et l’entité fictionnelle de l’univers second construit. Ainsi nous serons en mesure de mobiliser les théories de l’archive littéraire numérique, approfondies au cours de nos recherches doctorales au sein du partenariat Littérature Québécoise Mobile (p. ex. le projet de répertoire des écritures numériques notamment), mais aussi de les faire rencontrer avec les études des littératures de l’imaginaire au cœur de notre recherche actuelle. La mobilisation des notions tant littéraires que vidéoludiques, transmédiatiques que multimodales, nous assure une compréhension intégrale de notre objet, tout en conservant sa diversité matérielle et sa complexité.